Le temple ISKCON de Bangalore. "Negotium fidei" ou "Ma petite entreprise..."
Non, la petite entreprise ISKCON ne connaît pas la crise.
D'autant moins quand on voit ses projets d'agrandissement, d'extension et de disneylandisation. Kézaco que l'ISKCON ? L'International Society for Krishna Consciousness, ce qui ne t'avance pas tellement... En gros, dans la myriade de sectes hindouistes fondées par des swami, des yogi et autres baba, il y a ce groupe dont le succès planétaire et les démêlés réguliers avec la justice pour endoctrinement et dérives sexuelles ne se démentent pas depuis les années 1960. Mais si, souvenez-vous des moines vêtus d'orange dans les rues de Washington et psalmodiant avec un sourire béat "Hare Krishna", souvenez-vous de George Harrison...
On voit l'étendue (je n'ai pas écrit "dégâts" et
je me retiens avec peine) en lisant la petite bafouille du site
officiel : le fondateur, A. C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada (Srila
Prabhupada) y est appelé "Sa Grâce Divine" et sa
statue de bois dans une pièce adjacente du complexe donne une idée de l'influence des gourous en Inde. La société qui en
est issue regroupe environ 10 000 temples dans le monde et 250 000
dévôts. Parce que ce sont vraiment des dévots pour le coup, on est
au-delà du concept de fidèle... Bien sûr, le site officiel met en avant
les communautés rurales, les écoles et restaurants gratuits qu'elle a
développé. Pour l'amour de l'humanité et de la bienfaisance, c'est
évident.
Une visite extrêmement intéressante donc, pour saisir
un peu mieux les ressorts de la
manipulation religieuse en Inde, la crédulité populaire et sa pérennisation (les intérêts en jeu sont conséquents...). Tiens, je ne vous ai pas parlé cet
été de l'équivalent à Pondichéry, Sri Aurobindo et Auroville !
Encore une grosse marade... Une autre fois, une autre fois : Krishna, d'abord.
Le prétexte est donc de vénérer
Krishna qui, je te le rappelle, est un avatar de Vishnu (une sorte
d'incarnation) et souvent représenté avec la peau bleu ; si tu veux en
savoir plus sur lui, viens lire ICI.
Pour cela a été élevé à Bangalore un gigantesque temple moderne, sorte
de complexe géant sans charme dédié à la figure de Krishna. Et tu vas voir en quoi consistent les rites de dévotion...
Dès l'abord, du monde. Et la psalmodie bien connue, diffusée en
boucle par les hauts-parleurs, tout au long de la visite. Il faut se procurer un
ticket d'entrée au prix variant selon le fait que tu veuilles ou non
faire la queue, si tu as quelques heures devant toi ou 200
roupies pour un coupe-file ET aller plus près des différents
autels. QUI A DIT que c'était une conception censitaire de la religion ???
Une volée de marche, la majorité des Indiens patientent
dans la longue file, et une première station devant un autel, puis devant
un second (nous nous faisons reprendre d'ailleurs par un moine
mécontent car nous bavardons sur des choses intelligentes au milieu du
passage ; bloquerions-nous le flux cosmique ? Oups, désolée d'avoir constipé le flux cosmique, ça craint...). De nouveau quelques volées de
marches afin d'atteindre le lieu suprême, la salle de prière dédiée à
Krishna décorée de fresques modernes en l'honneur de la divinité. Ici
de même, le mouvement est de rigueur sauf pour ceux qui s'assoient au
milieu de la pièce à proximité des trois (esclaves ?) hommes condamnés
à psalmodier la même ritournelle pendant des heures et des heures au son
d'un tambourin... Privilégiées par notre portefeuille, nous nous asseyons juste devant l'autel ;
ceux qui ont payé moins sont derrière une barrière. au milieu de
laquelle trône une petite caisse à aumônes. On nous offre du riz et du
riz au lait dans un pot, et pendant que nous touchons les fleurs de jasmin disposées dans un récipient, un moine récite une invocation incluant nos
prénoms (au moins, mes doigts sentaient bons après).
Et là commence le grand show : tu ne peux pas y
échapper, c'est le parcours obligatoire ! Dans la même pièce, une
pseudo- librairie qui te propose avec force encouragements commerciaux
d'acheter un livre sur la vie, les agissements, les pensées de Krishna.
Ou bien sur la cuisine de Krishna. Ou encore sur les questions que tu
te poses au quotidien. Bien sûr, quand tu demandes la Bagavad-Gita (qui
est un peu LE livre de référence des hindous et notamment des
krishnaites) ou le Mahabarata, ils ne sont pas disponibles : de la
culture, mais pas trop...
Redescente vers le parcours commercial, avec forces
panneaux expliquant la sainte vie et les saintes actions du fondateur,
les principes suivis par les dévots ainsi qu'un plan du futur complexe
d'ISKCON : agrandissement, parking, pelouses. Rien sur les barbes à
papa, je suis déçue... Ce n'est pas encore la sortie : il reste à
passer le magasin de statuaire, extrêmement kitsch ,et dans lequel les visiteurs continuent de se suivre comme dans une
procession. Un moment exceptionnel où le produit commercial devient
objet de vénération : le fait religieux en Inde... Puis une autre
section commerciale, avec cette fois-ci les souvenirs : évidemment, je
me suis jetée sur la chose la plus kitsch que j'ai pu trouver (en
rapport direct avec CECI), parce que si je refuse catégoriquement de contribuer en quoi que ce soit
à une entreprise religieuse, et à celle-là encore moins, il me fallait un
témoignage. Marrant, moi j'aurais mis brain à la place de heart...
Vrindavana est le lieu où Krishna aurait vécu son enfance.
A la soupe ensuite. Pour avoir fait cet effort de
visiter, pour avoir rempli les caisses de l'ISKCON et enfin pour avoir
contribué à gonfler le décompte des visiteurs du temple, tout le monde a
droit à une écuelle de soupe au riz (tout à fait correcte) dans la continuité du programme "Food for Life" de l'ISKON. Divers plats, chaat (snacks) et mithai (sucreries) sont aussi proposés, payant cette fois.
Grosse marade donc. Grinçante bien sûr... Peut-être
qu'il me manquait quelque chose de végétal à fumer pour apprécier
pleinement...