Mario de Miranda : croquer le monde !
Un peu vaseuse ce jour-ci (bizarre, symptômes grippaux mais c'est tout : à suivre), je me suis tout de même bougé l'arrière-train pour aller voir une exposition. Il faut dire qu'elle est située à deux jets de noix de coco de l'appartement. Allez, trois,. Et en pente en plus avec quelques boulangries sur le chemin ; mais bon, je suis courageuse... pffffff...
Direction la galerie d'art "Cymroza Art Gallery", ayant pignon sur rue quoiqu'elle soit dans les étages, réputée pour ses expositions de qualité. Un peu de monde, beaucoup de panneaux et l'on ne peut résister, on s'approche et là, on est happé par le "Monde de Mario". mais nooooooooooooon, pas de yoshi, pas de kart, juste les dessins de Mario de Miranda (z'êtes bêêêêêêêtes !).
De son vrai nom Mario Joao Carlos do Rosario de Britto Miranda est Indien, né de parents goanais à Daman, une ancienne enclave portugaise dans le Maharashtra. Et le dessin tient la place préondérante dans sa vie, et c'est dans ses cahiers qu'il s'exprime tout d'abord, croquant la vie quotidienne d'un village de Goa, esquisses de moments entre amis, croquis inspirés par des événements politiques et quelques figures qui émergent déjà, le prêtre ou la femme imposante. Ce journal intime, où les dessins tiennent lieu de mots, retrace une évolution assez rapide dans le trait notamment, devenu plus assuré, dans la mise en scène des personnages avec de l'humour et de l'ironie toujours ; on y sent l'influence de la caricature américaine et britannique...
Les sujets évoluent également : devenu étudiant à Bombay, il saisit les instants précieux qui font l'essence même de cette ville. La secrétaire et son patron, les policiers dans les rues, la musique et la danse. Le dessin se fait plus caricatural, tracé appuyé et plein, amplification des formes : une netteté pertinente et impertinente. Et Mario propose des illustrations dans le The Illustrated Weekly of India et le Times of India, et comme Plantu dans le Monde on reconnaît son style, on s'y habitue, on le cherche.
Le style s'adapte au sujet : l'art de la danse et l'arrivée des Jésuites à Goa...
... les écarts de richesse et la réalité des transports en commun.
Par une bourse Gulbenkian, il part un an au Portugal ; c'est le début d'un tour du monde qui fait à nouveau évoluer son style. A New York, il se fait plus flou, une sorte de nostalgie, de saudade s'empare de son crayon... La contrepartie est aussi l'ouverture : les choses sont mises en perspective par cette découverte du monde, sont désormais moins tranchées ; Mario quitte l'univers de la caricature pour celui de la suggestion.
Les dessins sur Paris font sourire la Française et Parisienne d'adoption que je suis : Shakespeare & Co évidemment, les pissotières (toute une époque !), la place du Tertre et le Lido... L'Allemagne divisée, ses cabarets et cette extraordinaire Allemande de l'Est à Checkpoint Charlie, "un iceberg dans une mini-jupe" ! Par les voyages, le paysage entre dans les dessins de Mario : il finit par occuper même tout l'espace, sans pour autant masquer l'humain. Vue sur New York, verticale, et une seule touche de couleur, le ferry qui relie les hommes les uns aux autres... Temple de Kyoto, food court de Singapour, marchands de Macao : les couleurs fusent mais toujours un personnage, noir et blanc souvent, qui attire le regard et constitue le centre du propos, avec beaucoup d'humour et de tendresse...
Paris, Londres, le Portugal...
Alors, bien sûr, on ne ressort pas léger de ce genre d'exposition : catalogues, reproductions, cartes postales... Mais il manquait une chose essentielle : si les organisateurs ont pensé que les dessins sur Paris, l'Allemagne, Macao ou Goa intéresseraient les visiteurs, ils n'ont pas imaginé un seul instant que ces derniers seraient encore plus intéressés par des dessins et caricatures sur Bombay et l'Inde : mais où avaient-ils la tête ???
La carte de Bombay, vue par Mario de Miranda.
Les illustrations proviennent de l'excellent site Mario de Miranda, à consulter pour ses longs articles et les dessins !
Quelques dessins extraits d'un des livres de Mario de Miranda, Goa with Love : ICI.