Une petite visite à Mani Bhavan, la maison de Gandhi à Bombay.
Qui dit Inde dit bien sûr Gandhi. L'incontournable Gandhi, glorifié, magnifié, quasi déifié. Et oubliée en Occident comme souvent en Inde l'ambivalence de son discours sur les castes, sur la société, sur le progrès et sur la religion pour en faire (dans les programmes scolaires compris) une icône inaccessible. Passons, j'aurais sans aucun doute l'occasion d'y revenir...
Il y a un musée à Bombay qui est consacré au Mahatma Gandhi, Mani Bhavan, situé dans la maison qu'il a occupée entre 1917 et 1932. Et comme elle est située à quelques centaines de mètres de chez nous, j'ai eu l'occasion d'aller y faire deux tours (rien que ça) car l'endroit, relativement retiré est agréable et que fureter dans un lieu potentiellement chargé de dévotion et d'admiration béate m'intéresse toujours au plus haut point... Attention cependant : c'est un des seuls lieux touristiques de Bombay où tu peux croiser des dizaines et des dizaines de touristes, c'est du vécu et c'était horrible...
La maison est bâtie sur le modèle des maisons cossues du quartier, avancée imposante et balcons, et les deux étages mettent en scène les éléments importants de la vie de Gandhi. Car c''est vraiment la perspective ici, évoquer des moments importants plus que le contenu de son oeuvre. Le rez-de-chaussée accueille (outre les dons) la bibliothèque, qui rassemble une collection assez importante de livres consacrés à l'Inde, à Gandhi et les écrits de ce dernier, ainsi que les timbres commémoratifs à l'effigie de Gandhi.
Le premier étage est relativement ennuyeux : une grande salle et un couloir présentent en une longue succession des photos de Gandhi à différents moments (son départ pour Londres, son retour d'Afrique du Sud, parlant avec tel ou tel etc.). Des lettres manuscrites également, notamment celle exhortant Hitler à cesser la guerre, et des coupures de presse relatant l'assassinat de Gandhi et la cérémonie funèbre en son honneur. Rien de bien intéressant en fait, car rien n'est mis en valeur, rien n'est explicité ou problématisé. On peut appeler cela... une collection, oui.
En revanche, si le second étage fonctionne sur le même schéma, il est bien plus réjouissant : après avoir pu admirer les quelques reliques de la vie quotidienne de Gandhi (son rouet, ses chaussures, etc.) on entre dans une sorte de parcours hagiographique de sa vie où chaque grande étape est figurée par une maquette. Et là, cela devient fantastique : les petites figurines miment les actions fondatrices de l'idéologie gandhienne, avec force détails, avec beaucoup de réalisme également. Si tu ne sais rien de Gandhi, là tu apprendras des choses grâce aux explications en anglais et en hindi ; et si tu es déjà au courant de tout ça, cela permet de mettre en scène les connaissances que tu as.
Tout est d'ailleurs dans les détails. Lors des négociations sur l'indigo, les Anglais campés avec leur chapeau et leur pipe, dans une attitude hautaine. Quand Gandhi demande la permission à sa mère de partir étudier en Angleterre (elle lui fait jurer de ne toucher ni à la viande, ni à l'alcool, ni aux femmes), les femmes se cachent, claustration traditionnelle, et la mère rajuste de la main le pan de son sari sur son visage car Gandhi est entouré d'hommes extérieurs à la famille. Les mimiques de dégoûts des castes supérieures devant les intouchables en train de nettoyer les ordures desdites castes supérieures etc. Tout y est rappelé, les marches pour le sel, l'entrevue avec le roi d'Angleterre etc. Un moment rare, une muséographie très didactique (et très britannique, finalement) qui plaira aux petits et aux grands, et qui compense l'absence totale de problématisation du lieu...
Gandhi demande à sa mère l'autorisation de partir étudier en Angleterre ;
une femme se bouche le nez devant les intouchables.
Plus haut : Gandhi rencontre le poète Rabîndranâth Tagore.