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La vie vue d'un rickshaw (vivre à Bombay)
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11 janvier 2009

"L'Homme greffé", Sanjay Nigam : clefs plates et trésor bien caché...

L_Homme_greff_             L'Homme greffé de Sanjay Nigam, c'est ce roman inabouti qui cumule les clichés et dont on peine à trouver le sens en reposant le livre. Un roman à clef : et quand les clefs sont grossières et que le style accumule les platitudes, cela ennuie profondément... Pourtant, il y avait un thème passionnant, mais si profondément caché sous les lourdeurs, qu'on ne le discerne plus.
               Des clefs grossières et plates donc : nombre de métaphores, toutes plus initéressantes les unes que les autres. La métaphore de l'homme greffé, par exemple : ce ministre indien déjà greffé sept fois, vivant de plusieurs vies et renaissant toujours, représenterait l'Inde, sa multiplicité et ses multitudes, son démembrement historique et sa recomposition politique ; le pays qui renaît à chaque fois de ses cendres. Moui : l'idée n'est pas mauvaise, mais elle s'arrête à ça !
                L'Inde et l'insomnie omniprésente dans le roman : la nécessité vitale en Inde d'être dynamique, ce bouillonnement qui ne demande qu'à créer, concrétiser ou tuer, cette insomnie caractérisée par Bombay, surnommée "la ville qui ne dort jamais". L'Inde et l'homme sous-actif : presque tous les personnages le croisent, cet homme qui se meut extrêmement lentement, dans le métro puis dans "Little India". Comme lui, l'Inde avance à son rythme afin de trouver la cadence qui lui convient. Certes.

                Pourtant, l'auteur met en place une problématique passionnante qu'il n'exploite que très peu : il explore le monde multiple de ceux qui ne sont pas d'ici et ne sont pas de là-bas. Problématique de toutes les diasporas, de tous les créoles : dans "Little India", le quartier indien de New York, se côtoient des immigrés indiens de première génération, de deuxième génération et des Américains d'origine indienne, ceux qui ne connaissent pas "le" pays. Qui rêvent d'y aller, d'y "retourner" ou qui l'ont laissé derrière eux.

               Finalement, ce sont les personnages secondaires du roman, les patients et les voisins de Sonny Seth, le personnage principal, qui donnent au livre son intérêt par leurs manières de vivre l'émigration et l'immigration. Dans la manière de manger par exemple : faut-il adapter la cuisine indienne aux palais américains, ou bien rester puriste et épicé, ou bien encore tenter de fusionner les traditions culinaires pour en faire naître une nouvelle ? Ou dans la façon de s'habiller : sari ou jean, corps arrondi ou soumis au régime des stars d'Hollywood ? Le propos était là, dans l'angoisse de l'immigré sur son identité. Et Sanjay Nigam est totalement passé à côté...

                Quel dommage donc d'en avoir fait un simple arrière-plan et ce, d'autant plus que la qualité du reste laisse à désirer : les monologues intérieurs de Sonny qui finissent par envahir le roman et se réduire à des platitudes dignes des copies d'une initiation à la philosophie en seconde (où va-t-on ? tu vois dans les étoiles, on comprend qu'il y a des choses qui guident le monde, etc.). Des banalités et des réflexions éculées. L'intrigue est inexistante au possible : jeune médecin prodige d'origine indienne, Sonny Seth est confronté à la maladie dégénérative de l'homme greffé, venu se faire soigner dans son hôpital ; à l'occasion des crises d'insomnie de Sonny, le lecteur apprend (avec stupéfaction bien sûr, rien n'était téléguidé) qu'il doit régler des choses dans son passé familial, et notamment avec son père. Génial. Sa petite amie du moment ressent également le besoin de s'associer au destin de l'homme greffé, comme tout le monde sent le besoin de venir en aide à l'Inde...

                     Enfin, les similitudes entre la vie de Sonny et la biographie de Sanjay Nigam prennent au fur et à mesure des proportions inquiétantes (Américain d'origine indienne élevé dans l'Arizona, médecin et chercheur, écrivant la nuit (insomniaque ?)...). Pour parachever le tout, le style fait frémir tant les banalités énoncées n'ont aucun relief ("ce dont je parle, c'est "nous"", lors d'une scène entre Sonny et sa petite amie).
               Quel dommage, réellement.

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Commentaires
C
@ George Sand et moi : merci beaucoup ! En tout cas, c'est un roman que tu peux mettre sous la pile...
G
La vache, ça c'est de la critique !!! donc si j'ai bien compris on peut se passer de cette lecture ! Bravo, et merci pour ce moment de lecture (la tienne!), délicieux !
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