La cour de récréation.

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              Il faut que je t'avoue quelque chose. Je fréquente actuellement une école maternelle. Et plus précisément, sa cour de récréation : j'ai la chance en effet d'habiter Bombay !

             Car il est passionnant pour moi, expatriée novice en tout et surtout en relations sociales et mondaines de ce microcosme qui se veut macro, de voir les joutes se dérouler dans ce vaste bac à sable. Car tu n'es pas sans savoir qu'il n'y a rien de plus méchant que des gamins dans une cour de récréation...**

              Jaser, persifler et se plaindre semblent être les activités favorites de la marmaille, qui se la joue pas vue pas pris de surcroît. Les contacts que j'ai eus ici ont évidemment débuté par l'inévitable question "tuadézenfan ?" (énoncée aussi rapidement) et se sont soldées par des rapports de relations publiques (tu peux m'apporter quoi ?), des déceptions et quelques haussements de sourcils (de part et d'autre).

             Un des sports favoris, qui ne soit pas en club, est de se consacrer à la pique mondaine. Rien à voir avec de quelconques brochettes ou petites bouchées de fromage-tomates cerise, il s'agit en fait de mettre en avant des traits d'esprit, de prouver son aisance et sa supériorité en mettant mal à l'aise l'interlocuteur par quelque attaque que l'on maquillera comme étant de l'humour. Mieux cela sonne et profère un contenu désagréable, plus tu gagnes de points. Les soirées où je suis allée, les cocktails (ou ce qui prétend en tenir lieu) que l'on m'a rapportés contiennent toujours une, deux voire plus délicieuses "boutades" qui ne sont jamais que de l'humour, voyons! Sur le parcours, sur les origines, sur les talents, sur les doutes, sur les projets. On t'en décourage aussi, de tes projets : c'est compliqué ici, on s'y est déjà collé avant toi, crois-moi laisse tomber (et fais plutôt un enfant).

             L'apogée reste la gestion des rendez-vous : la règle semble de ne pas répondre aux invitations et de débarquer comme une fleur. Sans rien apporter ou proposer d'apporter, sous prétexte que tout ceci se passe à la bonne franquette, on est tout copains ! Ou bien mieux encore : il n'est pas rare et même fréquent de répondre que l'on vient. Sans venir finalement, et sans prévenir non plus. Le plus souvent la raison avancée quelques jours après est incongrue, quand tu as la chance de recevoir un appel de la personne indélicate. Ou bien encore, une heure d'avance ou une heure de retard sans penser à appeler : 1,50 roupies (2 centimes d'euros) la minute, c'est clairement ruineux. Fi donc d'une politesse que l'on m'avait pourtant dépeinte comme élémentaire. Zut, alors ! Moi qui avais eu tellement de mal à l'intégrer, il va me falloir m'en défaire pour me sentir à l'aise ici... soupir...

              Alors, je suis quelque peu perplexe : est-ce l'Inde et ses relations sociales tendues, complexes et extrêmement rudes qui déteint sur le comportement ? Ordonner, aboyer, claquer des doigts, se faire servir et donc ne plus s'embarrasser de quelconques "chinoiseries" ? Est-ce la perte des repères éprouvée depuis trop longtemps, le nomadisme recentrant sur les aspects vitaux et effaçant quelques acquis humains ? Ou bien est-ce le gain trop rapide d'un statut social, professionnel et financier prétendument élevés ? Je ne sais pas. Toujours est-il qu'étrangement, les relations avec ceux qui sont stagiaires, VIE, étudiants ou en contrat local sont beaucoup plus franches, agréables et empreintes de délicates attentions. Heureusement, quelques perles rares aussi.

* L'échange et l'interaction harmonieux...

** A l'exception du Groll. Et d'Attila et de Temüjin qui sont des choux, j'en suis sûre...

Sur mon blog de Moufette, une recette de flan de tofu à la coriandre !

Comments

[Chouyo]

@ Geoffroy et Olivia : oh oui, cela ne m'était pas venu à l'idée, hihihi ! Agnan, des baffes...

[Chouyo]

@ Thomas : oui, cela je l'ai ressenti très fortement, même cet été comme touriste. Mais je ne pensais pas que cette réalité culturelle avait envahi les manières d'être des Occidentaux vivant ici : quelle naïve j'étais...

[Chouyo]

@ Electroménagère : il y a de ça, c'est sûr. Faire semblant parce que l'on est Occidentaux de nécessairement avoir plus d'affinités, parce que l'on est Français d'avoir plus de points communs. Mais il y aussi tout un système de préséances qui prévaut j'ai l'impression...

[Chouyo]

@ Pimousse : oui, tes neveux sont adorables !
Il y a une question de pouvoir, c'est certain, inventé ou réel, du fait de la position sociale. En plus se greffe à cela l'aspect "réduit" des communautés d'expatriés, ce qui n'aide en rien !

[Chouyo]

@ Jelaipa : encore une chose... C'est l'intérêt d'avoir des soeur et frères bien plus jeunes que soi : j'ai pu voir comment ils agissaient avec leurs amis, et leurs amis avec eux. Comme tu dis : édifiant...