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La vie vue d'un rickshaw (vivre à Bombay)
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19 avril 2009

"Les Enfants de Minuit", Salman Rushdie : repenser l'Inde.

                      Pas mal de lectures sur l'Inde dont je dois vous parler. Mais à tout seigneur, tout honneur...

Les_Enfants_de_Minuit                     Lire Salman Rushdie s'apparente toujours à une plongée dans un univers polymorphe, mouvant, complexe et fascinant tant par le style que par les images évoquées. Et peut-être que ce qui m'attire le plus dans ses romans, c'est l'inextricable réseau qu'il tisse entre l'histoire, son histoire et ses histoires. Je corne les pages des livres que je lis (je ne respecte pas le livre matériel mais son contenu) aux passages qui me semblent les plus exceptionnels, par le fond ou par la forme. Et Les Enfants de Minuit fait partie des livres les plus cornés (il avait déjà essuyé un typhon à Suzhou : il est donc gondolé ET corné maintenant !).

                      Les Enfants de Minuit est un conte réaliste et magique, comme à l'accoutumée avec Rushdie (Shalimar le Clown est moins dans cette veine), où le lecteur suit, presque pas à pas, les rites de passage du jeune Saleem Sinai dans sa vie de jeune Bombayite pris au piège de l'histoire. Pris au piège, car il est né à l'heure et au jour de l'Indépendance de l'Inde. Un lien magique s'est alors créé avec tous les autres enfants de cette Nuit-là, mais aussi un lien entre ses propres aventures et les soubresauts de ce pays. Chaque personnage devient alors symbolique d'une des traces historiques du pays : la gouvernante portugaise, le père visionnaire incompris, la tante actrice déchue de Bollywood, les soldats fanatisés...

                      Ces "enfants de minuit" sont évidemment la métaphore de l'Inde multiple désormais indépendante. Hindoue quoiqu'un peu musulmane et chrétienne (et sikhe, jaïne, parsie aussi), sans caste mais fonctionnant toujours sur ce principe, progressiste et moderne mais aussi réellement passéiste et conservatrice... Cette Inde qui fascine Rushdie qui n'a pour autant aucune complaisance à son égard : "c'est le privilège et la malédiction des enfants de minuit d'être à la fois maîtres et victimes de leur époque, d'abandonner l'intimité et d'être complètement engloutis dans l'anéantissement du tourbillon des multitudes et d'être incapables de vivre et de mourir en paix". L'Inde pachydermique qui se meut mais n'avance que lentement, broyant sur son passage nombre de choses. L'autre métaphore filée se mêle à la première, c'est celle de la cuisine : Saleem est l'auteur de cette histoire, une mise en abyme qui nous montre l'auteur écrivant le livre que nous sommes en train de lire. Chaque chapitre correspond à un pot de chutney qu'il a élaboré et qu'il pose sur une étagère, comme autant d'étapes de l'histoire indienne. A chaque époque une sauce, une marinade, un mélange subtil et délicat de douceur, d'aigreur, d'acidité et de salé. Allier l'histoire et la cuisine en une même perspective littéraire ne pouvait que me plaire !

                      Le lecteur revisite donc Bombay (Saleem aurait habité à deux immeubles de chez moi, mentionnant des lieux et des magasins que je fréquente !), en comprend mieux le feuilletage historique. Moi aussi je donne dans la métaphore culinaire... La déchéance des parents comme des voisins, l'exil au Pakistan, la fuite au Bangladesh, l'étape à Delhi et le retour à Bombay sont autant d'occasions pour Salman Rushdie de soulever le voile sur les causes fondamentales de l'histoire indienne contemporaine : les hommes. Les hommes font et défont l'histoire et l'Inde. Quand bien même toute vulgate anti-Britishers, quand bien même les discours démagogiques, dans Les Enfants de Minuit, Salman Rushdie réaffirme que les Indiens sont absolument responsables de ce qu'est leur pays aujourd'hui, de ses talents, de ses tares et de ses espoirs...

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Commentaires
M
Merci pour les encouragements! Je crois que j'en ai bien besoin héhéhéhé je ne sais pas si tu es courant de ce qui se passe en France en ce moment côté université (encore que ce ne soit pas d'une grande importance dans l'actualité française et mondiale), mais c'est le blocus depuis février, ce qui fait que je ne suis même pas sûre d'avoir mon année...bref je m'arrête là, c'est un sujet qui fâche hihihihi <br /> En tout cas c'est très gentil de proposer de me poser des questions sur le sujet, ça me plairait bien (j'espère pouvoir y répondre correctement ;)) mais je ne sais pas du coup, avec tous ces événements quand est-ce que je pourrais valider mon mémoire! Pour l'instant, j'écris, comme je peux, et pis on verra bien hein! <br /> Si tu vas voir Viveh, tu pourras me dire comment tu as trouvé le film?<br /> Sinon je me répète mais tes articles sont vraiment sympa! J'ai pas tout compris sur l'histoire du Jedi mais je vais remonter le fil des articles et tout ira bien après :) j'aime beaucoup ton style d'écriture!
C
@ Melanie : je vois tout à fait ce dont tu parles, et j'attends les conclusions, hihihi ! Bon courage ! Si cela t'intéresse, quand tu auras rendu et validé ton mémoire (fin juin, j'imagine ?), je pourrais te poser quelques questions sur ce cinéma indien de l'exil et les publier ici ? (Tu peux dire non, pas de problème !)<br /> Tout cela me donne encore plus envie d'aller voir "Viveh" !!!
M
Ca aurait pu effectivement, mais c'était pas un sujet tortueux à trouver, trop simple pour moi héhéhé non en fait, je voulais au début traiter de l'influence de l'exil sur la vision du monde des cinéastes (comment les cinéastes percevaient l'Inde après avoir connu une autre culture) et puis trop compliqué pour un master et un mémoire de 80 pages (seulement...) du coup j'ai choisi cinq de leurs films dont les histoires se situent en Inde (Fire, Earth, Water pour Mehta, Salaam Bombay, Le mariage des moussons pour Nair) et je travaille sur l'idée que leur cinéma est la fois un cinéma de la quotidienneté (elles veulent montrer le quotidien des Indiens et les impacts de la culture et des traditions sur la vie des gens), et un cinéma "mythologique", c'est-à-dire un cinéma de fiction en gros car elles reprennent certains éléments du cinéma "traditionnel" ou plutôt du cinéma commercial dominant (Bollywood pour être plus claire...). voilà, voilà, j'essaie de faire court mais c'est jamais évident :=)<br /> synthèse : je montre en quoi ce sont des films avant tout indiens, qui font partie du paysage cinématographique indien.<br /> <br /> Sinon pour Viveh, oui elle a accepté, elle a préféré car il était hors de question pour elle de supprimer des scènes, elle a même menacé de ne pas distribuer le film en Inde (je ne pense pas que ça les aurait dérangé...). Non je n'ai pas pu le voir, il n'est pas encore sorti France (s'il sortira un jour...), il y a eu une sortie au Canada, un passage au festival de chicago où Preity Zinta a eu le prix d'interprétation d'ailleurs et pis maintenant en Inde quoi.
C
@ Melanie : Deepa Metha et Mira Naïr... hmmm... l'Inde vue par les femmes cinéastes ? Ou quelque chose comme ça ? Quelque soit le sujet exact, je suis sûre que cela doit être passionnant vue les deux personnages !<br /> Pour "Viveh", il y a eu effectivement un esclandre et un passage en public adulte, prétendument à cause des scènes violentes : mais comme vous le dites, dénoncer la violence conjugale passe rarement par des images douces et calmes... L'aspect pédagogique du film a été oublié. Je crois qu'elle a accepté car sinon le film ne serait pas sorti, non ?<br /> J'ai voulu aller le voir avec une amie, mais il n'était qu'en hindi (et mon hindi n'est pas encore du tout assez bon pour prétendre comprendre ce genre de films, qui à mon avis, n'est pas tout simple). Avez-vous pu le voir ? Ou bien n'est-il sorti qu'en Inde ?
C
@ Electroménagère : miam, j'en ai du "home made" à la mangue dans le frigo...<br /> Pour le livre, si c'est ton premier "Salman Rushdie", commence peut-être par "Shalimar le Clown".
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