Au restaurant "China Garden" / "C. G. 83" (Kemp's Corner, Bombay) : euhhh, chinois, vous êtes sûr ?
Bien. Je ne taris pas d'éloges quand j'aime.
Mais quand je suis déçue, je deviens désagréable, et méchante quand mon
porte-monnaie en prend un coup.
Le
restaurant « China Garden » est évoqué dans nombre de guides sur
Bombay. La question qui me taraude encore est « pourquoi
donc ? ». Un décor agréable certes, mais vraiment passe-partout
soyons sérieux : semi-pénombre, tentures, Bouddha ventrus et joufflus et
musique d'ambiance. La musique ? Au déjeuner, c’était Boney M. et ABBA. Quant
aux convives, il s’agit en majorité d’Indiens aux sapes griffées,
ultra-maquillés pour ces dames, la dégaine cool-branchée-lunettes de soleil pour
ces messieurs. Cela coule à flot des poches et des mini-sacs à main mais pas
grand-chose de notable à part cela. On est donc très loin du décor du
« Thaï Pavillion », du « Tetsuma » (pour rester dans les
restaurants asiatiques classieux) et, dans une moindre mesure, du
« East ».
Première chose à noter dans tes carnets : tu ne mangeras
pas chinois ici.
La carte est un savant assemblage de rares mets cantonais (et non pas de mets cantonais rares...) noyés au milieu de
dizaines et de dizaines de plats thaïlandais, de spécialités vietnamiennes,
malaisiennes, coréennes et japonaises. Ce restaurant ne dit donc pas son nom :
il n’est pas chinois (j’attends encore les plats pékinois, shanghaïens,
sichuanais…) mais pan-asiatique. Et ce n'est pas parce que la carte est
traduite en cantonais (oui, c'est du cantonais) que les plats en deviennent
« chinois » ; d'ailleurs, il y a aussi la traduction en coréen. Ce
qui explique bien des choses…
Dans ce mic-mac, je suis parvenue à repérer
quelques plats qui m'intéressaient réellement (car pour manger thaï et
japonais, je n’ai pas besoin de venir ici) : un poulet gongbao, déjà
dégusté en commande chez des amis, qui était bon. Manque de chance, ce jour-là
ils n'avaient pas de noix de cajou : un poulet gongbao sans noix, c’est
un peu Bombay sans taxis melittamorphes (parce que jaunes et
noirs, hinhinhin). Las. Je choisis donc, sur les conseils du serveur, un poulet
sauté à l'ail et au piment. Tac jette son dévolu sur un poulet laqué,
parce que le canard est un peu hors de prix et que les deux sont bien des recettes chinoises, de toute manière.
Et là les plats arrivent. Snif. Pour moi, une
sorte de poulet tandoori en sauce, rien moins que pas épicé avec des
gousses d'ail à peine cuites. Pour Tac, une fine aiguillette étalée sur une
assiette ayant sans doute été marinée, fumée puis séchée dans un four afin de
rendre l’effet « laqué ». Le résultat désiré n’est pas atteint, la
peau et la chaire censées être à la fois croustillantes et élastiques grâce au
gras et à l’air insufflé entre la peau et la chair sont beaucoup trop
sèches, enlevant tout intérêt au plat. Le poulet laqué a tourné court,
devenant un poulet rôti que l’on a oublié de mouiller de son jus régulièrement…
Ensuite, les baozi. Un de mes plats chinois
préférés… Arf, déjà le prix : trois petites boules de pâtes coûtent 210 roupies
(plus de 3€, quand un énorme baozi coûte 0,10€ en Chine et 0,60€ à
Paris). Et là, j'ai failli ne pouvoir réprimer un hurlement quand j'ai croqué
la chose : la pâte de cette brioche à la vapeur était mollassonne et spongieuse
(normalement, elle doit être aérée et légère), et la garniture était un curry
de poulet sucré !!! Absolument scandaleux pour un restaurant avec de
telles prétentions et une telle réputation. La garniture est normalement composée
d'un ragoût (de porc, j’avais demandé au poulet en connaissance de cause) peu
épicé et jamais d'un curry, que diable, et encore moins sucré !!! Je ne suis
pas contre les essais, tentatives et expériences de cuisine fusion, bien au
contraire. Mais il faut le résultat ait un intérêt quelconque : et là…
La dégringolade a continué
avec les raviolis. L'appellation dim sum en cantonais donne le droit de s'attendre à de petits paquets de pâte plein de farce à la viande ou aux légumes cuits à la vapeur (en mandarin, ce sont les jiaozi). Ce à quoi je m’attends, suite à ma commande. Le
serveur m'apporte alors dans un panier vapeur une petite soucoupe de brocolis à
la vapeur, recouverts de châtaignes d'eau et de coulis de tomates. Estomaquée
je suis. Il m'affirme que ce sont bien des dim sum. Là, cela devient
grotesque : je lui fais un cours de chinois accéléré. Il remballe ses brocolis
et me ramène de vrais raviolis (comme quoi) : remplis de légumes coupés grossièrement
(le principe du ravioli chinois est d’être fourré d'une pâte de légume : ce
n'est pas un nem) et revenu dans une fine galette de pâte, rien du
moelleux et de la cuisson à la vapeur attendus. Tiens donc, exactement la même
galette que celles du poulet prétendument laqué. A oublier, de nouveau.
Euhhhh... Est-ce bien
le restaurant censé être un des meilleurs de la ville pour la
cuisine chinoise ? Si c’est le cas, je me gausse. Parce qu’une addition totale
à 2 000 roupies, pour des plats cantonais et chinois les plus simples du
répertoire (simples au point que je les cuisine moi-même) à ce point décevants,
est très largement surestimée.
"China Garden" ou "C. G. 83" : Om Chamber, 123 A. K. Margh, Kemp's Corner, Mumbai. Tél. : 2223525589.